Le Projet

Lyonnaise de naissance, j’ai passé la première partie de ma vie entre Lyon et un petit coin de paradis en Ardèche. Faisant mille fois les allers retours au gré des saisons et des envies. Puis, la deuxième partie de ma vie s’est faite de nouvelles racines aux Etats-Unis, après une expatriation pour retrouver l’être aimé. Dix ans plus tard, toujours à Dallas avec un mari, deux enfants et deux chiens… Life is beautiful!

Le Projet

Il y a dix années de cela, j’ai rangé mon existence dans deux valises et je suis partie vivre aux Etats-Unis. Un billet simple en poche et l’être aimé à la clef. Quel sentiment de liberté que de voir sa vie résumée à deux valises !

La France, ou du moins ma vie en France était devenue un spectacle ou tout était bien trop réglé, ou tout se jouait à heure fixe. Tous ces lieux si connus et parcourus étaient d’un ennui à mourir, parfois même obstacles. Ma vie en France avait perdu de son attrait et sa valeur d’émerveillement. L’exil choisi allait donc être mon sauveur. Ce nouvel horizon m’apporterait renouveau, aventures peut-être même libération. Qui n’a jamais rêvé d’être au monde en dehors de celui-ci ? Ne pas lui appartenir mais juste l’observer. Quel sentiment de repos ! Quelle illusion également, je l’entends bien…

Mes deux premières années passées aux Etats-Unis, m’apprirent à force de désorientation, de larmes parfois même, que l’exil qui devait être ma libération, allait finalement faire mon aliénation. Du moins temporairement… Outre le fait de devoir réapprendre toutes les normes et règles de mon pays d’accueil, mon plus grand bouleversement durant cette période fut de réaliser pleinement ; ce même dans ma chair que l’on appréhende le monde non à travers son cœur ou sa tête mais bien à travers ses cinq sens. Je vous l’accorde cela peut paraitre tout simple, et pourtant…

Je pense donc je suis ! Quelle mauvaise blague ! Sincèrement, quelle réduction, quelle simplification ! Les choses sont bien plus complexes, et l’on devrait plutôt dire :


Je sens donc je suis,

Je goûte donc je suis,

Je vois donc je suis,

J’entends donc je suis,

Je touche donc je suis.

Durant ces deux premières années, la boussole de mes cinq sens perdit le nord. Mes cinq sens, me trahissaient! Eux qui m’avaient été si précieux, utiles, eux qui étaient si chères à mes yeux avaient changé de camp, sans même que je ne m’en rende compte.

Un exemple précis, mon aiguille de l’odorat ne pouvait plus clairement m’indiquer les odeurs. L’aiguille pointait bien vers une direction- Ceci est le nord ! Non, peut-être plutôt le nord-est, ou bien même l’est ! – tout en ne pouvant réellement s’ajuster à mon Nord mental. L’aiguille n’arrêtait presque jamais de vaciller. Mes sens dirigeant l’aiguille ne pouvaient plus indiquer la bonne direction, la bonne résonnance  que mon cerveau retraduirait comme une direction. Comme si les informations que mes cinq sens recevaient, ne correspondaient plus à aucun spectacle connu. Il me fallut du temps pour comprendre cette bataille intérieur et ce qui se jouait réellement à travers ce déboussolement. Une sensation tellement charnelle.

Je me trouvais déconcertée au jour le jour par ces odeurs que je n’arrivais pas à identifier, ces gouts qui ne correspondaient à rien, toujours trop sucrés ou trop salés. Par ces spectacles visuels que je ne pouvais pas clairement identifier ou classifier. Mes sens me trahissaient en quelque sorte.

A cette époque, plus de mille fois, je me suis mise à fermer les yeux en essayant de retrouver mentalement ces odeurs, ces visions, ces textures et ces sons qui me transporteraient en France. Cette France qui était passée d’obstacle à paradis sensoriel perdu. Cette France de mes cinq sens, qui soudain, me manquait plus que de raison.

C’est alors qu’après un voyage estival de six semaines en France et de retour aux Etats-Unis, me retrouvant une fois de plus dans une confusion sensorielle sans nom, la nécessité d’écrire m’est venue.

Parfois, il faut écrire pour ne pas hurler, pleurer ou perdre sa santé mentale… A ce moment-là, l’écriture fut ma thérapie. Ecrire pour revivre encore une fois ce pays, écrire pour ne pas l’oublier. Pour ne pas oublier mon identité, ne pas oublier mon pays et ses odeurs, mon pays et ses goûts, mon pays et ses gens…

Je voulais rendre hommage à cette France des sens qui me manquait. Je vous l’accorde, je n’ai rien inventé de neuf ici, nous avons tous lu Proust et sa fameuse Madeleine ou Delerm et sa première gorgée de bière… 

Puis il y a eu mes enfants, eux qui ne connaitront jamais la France, comme leur pays d’origine. Avec leurs arrivées, j’ai eu alors cette envie primale de leur laisser une trace de ce qu’était ma Fance. Alors, une fois de plus j’ai posé les mots sur le papier pour qu’un jour, ils puissent me lire et qu’ils « comprennent ».

Enfin, l’année 2020, a sonné. Quelle étrange année ! Pas de retour en France pour la première fois depuis une décennie. Quelle tristesse, et surtout une autre réalisation ; la France me manque ! Je suis de nouveau dans un désert sensoriel… Alors pour faire l’expérience de cette France, la revivre par mes 5 sens, il me fallait écrire mais surtout, cette fois, partager. Vous demandez à vous tous : « C’est quoi la France de vos cinq sens ? ».  J’aimerais dans ce processus un peu égoïste, entendre vos voix et vivre cette France qu’on aime. La France de nos cinq sens.

Pour pouvoir faire le tour de la France de mes cinq sens. J’ai donc choisi quelques gouts, images, odeurs et quelques sensations et sons, qui pour moi sont ma France. Je vous invite à faire de même, cela peut être un exercice assez intéressant !  Posez-vous et réfléchissiez. Quels sont ces quelques odeurs, ces quelques sons, qui représentent votre France. Si vous deviez choisir trois images qui raisonnent en vous « FRANCE »… Puis dites-moi, faites-moi rêver !

En aparté mais important :

Je voulais simplement prendre quelques lignes pour préciser que je n’entends pas décrire la France, si tenté que cela soit même possible. Car quelle entreprise réductrice et illusoire cela serait ! Il n’existe pas une France, mais bien des milliers, des millions de France. La tienne de France, la France d’il y a vingt ans, la France de leur jeunesse, la leur, la mienne…

Ce projet n’est donc bien qu’une vision. L’expérience de ma France. Je suis également bien consciente que ma France décrite ici est une France fantasmée, sublimée. Une France d’exilée, bien subjective ! Une France vécue en 6 semaines par an. Une France de l’Est et du Sud. Une France de classe moyenne. La seule France que je connaisse, la seule qu’il me reste désormais.